Langue et parole de la serpente dans La Faula de Guillem de Torroella
camouflage de la signification politique?
Vers 1375, le Majorquin Guillem de Torroella écrivit un roman de 1265 vers en langue occitano-catalane. Il s’agit de La Faula, le récit d’un voyage du narrateur à dos de baleine, jusqu’à l’Île enchantée. Là, après une conversation en français avec une serpente, il rencontre Morgane et le roi Arthur. Cette serpente parle français comme Arthur et Morgane. Notre analyse portera notamment sur le discours de la serpente: un animal qui parle… La langue, donc, est le français, mais un français improbable: un français “catalanisé,” qui est non seulement celui de la serpente mais aussi celui d’Arthur et de sa sœur. Une fois de plus, c’est donc dans le merveilleux, et plus particulièrement derrière les références à une culture zoomorphe, que la signification politique possible du texte se trouverait camouflée. Est-il possible qu'un texte comme celui-ci ne dispose que d'une signification didactique et morale sans toute portée politique? Y a-t-il des textes littéraires dépourvus sens politique? Les merveilles et les références à une culture zoomorphe permettent de camoufler l'importance politique, déjà suggérée par l'analyse du contexte historique que semble évoquer l’œuvre (Espadaler), de même que par l'examen de sa tradition textuelle: les lacunes que comportent trois des quatre témoins manuscrits ne paraissent pas fortuites, mais intentionnelles, résultat d’une sorte de censure, que la circulation de l'œuvre a dû subir (Compagna). Ce camouflage n'aurait ainsi pas réussi à convaincre le parti victorieux, opposé à celui de Guillem de Torroella, perdant, qui s’est alors réfugié dans le monde de la littérature…
Article language: French